Jennie Snyder Urman et les scénaristes pour The Hollywood Reporter

Cette interview de la créatrice, Jennie Snyder Urman, et des scénaristes Jessica O'Toole and Amy Rardin a été réalisée en anglais par le The Hollywood Reporter parue en Octobre 2018, et a été traduite en français par Charmed (2018) Hypnoweb.

La productrice exécutive Jennie Snyder Urman et les scénaristes Jessica O'Toole et Amy Rardin discutent de l'autonomisation des femmes en 2018, et révèlent quelques regrets sur la façon dont elles ont géré l'annonce aux stars de la série originale.

The Hollywood Reporter : Le reboot de Charmed a été annoncé pour la première fois en 2013. Quand et comment êtes-vous montées à bord ?

- Jessica O'Toole : Jennie nous en a parlé en 2016. Elle avait été approchée par CBS pour le faire, et elle avait une idée vraiment cool, qui était de faire un prequel situé dans les années 70 et de vraiment lier le mouvement des femmes à la sorcellerie, donc c'était une voie que nous avons suivie. Et puis, après l'élection de 2016, on a eu l'impression que tous les thèmes que nous avions explorés seraient beaucoup plus valables s'ils étaient explorés dans le présent d'une manière différente, et c'est ainsi que nous avons fini par le redévelopper dans la version que nous avons maintenant.

- Amy Rardin : Nous avons écrit un véritable pilote de la version des années 70, et pendant que nous l'écrivions, c'était tellement étrange : tous les problèmes dont nous parlions dans les années soixante-dix semblaient si pertinents et si opportuns que nous avions l'impression de devoir en parler maintenant. Nous étions toujours confrontés à ces questions 30 ou 40 ans plus tard.

The Hollywood Reporter : Comment avez-vous décidé de faire de toutes les sœurs des femmes de couleur ?

- Amy Rardin : Nous avons estimé que dans la version actualisée, nous voulions refléter ce qui se passait en 2018, la réalité du monde dans lequel nous vivons. Nous voulions également raconter des histoires différentes qui n'avaient pas nécessairement été racontées à la télévision auparavant, il était donc très important pour nous d'avoir un casting inclusif. La chaîne nous a beaucoup soutenues et nous avions une femme de couleur dans le rôle principal de la version des années 70.

The Hollywood Reporter : Comment avez-vous procédé pour recruter les scénaristes, compte tenu des spécificités culturelles des personnages principaux qui sont des femmes de couleur et, dans un cas, des homosexuels ?

- Amy Rardin : Jessica et moi avons constitué la salle des auteurs, et il était très important pour nous d'avoir une salle des auteurs inclusive. Nous plaisantons toujours en disant que nous avons un blanc hétéro symbolique dans notre équipe, qui est une personne très charmante et ouverte. Mais toutes les autres personnes de notre équipe sont de couleur et font partie de la communauté LGBTQ. Je pense qu'il est important d'avoir un personnel inclusif pour raconter ces histoires, pour les rendre personnelles et spécifiques.

The Hollywood Reporter : Est-ce le genre de salle des auteurs où vous racontez souvent des histoires personnelles, ou adoptez-vous une approche plus distante ?

- Jessica O'Toole : C'est définitivement une pièce où tout le monde partage des histoires personnelles. C'est une pièce très sûre et ouverte. Nous avons même un petit mantra que nous répétons à la fin de la journée et qui consiste à se soutenir mutuellement. Tout le monde, je pense, se sent en sécurité pour nous défier - nous sommes un couple de dames blanches, et nous disons toujours, "Si nous sommes des dames blanches ignorantes, s'il vous plaît dites-le nous, n'ayez pas peur parce que nous voulons vraiment le savoir."

The Hollywood Reporter : Le pilot plonge directement dans le mouvement #MeToo. Comment était l'actualité à l'époque où vous écriviez l'épisode ?

- Jennie Snyder Urman : Nous l'avons commencé à l'été 2017 et avons en fait écrit le scénario en hiver. 

- Jessica O'Toole : Beaucoup d'hommes puissants tombaient comme des mouches à l'époque où nous écrivions le pilot, je m'en souviens. Chaque jour, vous vérifiiez votre flux et il y avait un autre nom, et vous vous disiez : "Uh oh".

- Jennie Snyder Urman : Et c'était vraiment une époque où vous regardiez autour de vous et où vous sentiez un changement palpable en termes de personnes et de voix qui sortaient et commençaient à être entendues, qui voulaient dire quelque chose et n'acceptaient pas le statu quo. C'était vraiment comme un bouillonnement de quelque chose qui avait besoin d'émerger depuis longtemps, comme un tremblement de terre. Il était impossible de ne pas inclure cela dans une histoire de trois femmes puissantes.

The Hollywood Reporter : Pouvez-vous nous donner un aperçu des autres sujets que vous allez aborder dans la série, en plus des agressions et du harcèlement sexuels ?

- Amy Rardin : Nous continuerons évidemment à parler des questions de genre, et nous parlerons de la race, du pouvoir féminin, de ce à quoi il ressemble et comment il est perçu, des questions LGBTQ, ainsi que des relations amoureuses et de la sororité.

- Jessica O'Toole : Sexualité, être une femme de couleur dans les domaines STEM.

- Jennie Snyder Urman : La dynamique du pouvoir dans les relations. Aussi : ce qui se passe dans les relations quand une personne a plus de pouvoir que l'autre, ou le pouvoir perçu.

The Hollywood Reporter : Certaines des stars originales de Charmed ont critiqué la série sur Twitter et dans des interviews. Quel niveau d'interaction avez-vous eu avec l'équipe originale pendant la production de cette série ?

- Jennie Snyder Urman : Nous ne l'avons pas fait. La propriété nous est venue de CBS et nous avons commencé à l'écrire. Nos interactions ont vraiment commencé après la sortie du scénario et les annonces faites. Rétrospectivement, nous regrettons que nous n'ayons pas eu de conversations et que nous n'ayons pas tendu la main. C'est le cas, [du moins,] uniquement en raison de tous les sentiments qui ont été déterrés une fois que cela s'est produit. Puis vous regardez en arrière et vous réalisez que cela a été une si grande partie de leur vie pendant si longtemps, bien sûr qu'ils se sentent comme, "Oh mon Dieu, la série est prise dans une direction sans moi." Mais le recul est de 20/20. Nous comprenons leurs sentiments, et en même temps nous voulons donner à ces femmes - qui jouent dans le reboot et qui ont des voix vraiment fortes - une opportunité d'être les héroïnes de l'histoire, et une opportunité de faire leur version de la série. Il est toujours délicat de prendre une propriété qui a existé et, je ne peux parler que pour moi, mais je n'étais pas pleinement conscient de tous les liens émotionnels profonds et des sentiments qui en découlent - des sentiments vraiment humains. Donc j'aimerais faire mieux si un meilleur reboot est prévu dans mon avenir, qui sait.

- Jessica O'Toole : Je pense qu'Amy et moi serions d'accord. Nous avons toujours eu l'intention d'être respectueuses de l'originale, et nous sommes aussi de grands fans de l'originale.

- Jennie Snyder Urman : C'est une chose à laquelle nous avons beaucoup réfléchi : comment rendre hommage à l'originale, comment la respecter et ne pas altérer ce qu'ils avaient et la mythologie qu'ils ont créée. Nous en étions vraiment conscientes, nous en parlions constamment et nous parlions de la base de fans. Nous ne l'avons simplement pas développé à partir de là, et je dirais que c'est de notre faute.

The Hollywood Reporter : Peut-on s'attendre à des œufs de Pâques pour les téléspectateurs de la série originale dans cette série ?

- Amy Rardin : Dans le pilot, nous utilisons une grande partie de leur mythologie - nous avons le Livre des Ombres, les êtres de lumière, nous utilisons leur grand méchant et la Source de tout mal. Leur mythologie est tellement vaste, complexe et intéressante : Nous avons la chance d'avoir cette plateforme comme tremplin pour nos histoires, et nous en sommes très reconnaissants.

- Jessica O'Toole : Et il y aura quelques oeufs de Pâques, aussi.

- Jennie Snyder Urman : Nous voulions vraiment nous concentrer sur l'essence même de cette série, à savoir une histoire d'amour entre trois sœurs qui sont là l'une pour l'autre, qui se soutiennent mutuellement et qui s'occupent l'une de l'autre avant toute chose : c'est ce à quoi la série se résumait pour nous. Et puis nous avons voulu l'ouvrir pour donner à d'autres femmes la chance d'être des héroïnes dans l'histoire, et nous voulions nous assurer qu'elle était ouverte et inclusive en permettant aux nouveaux téléspectateurs qui n'ont pas grandi avec Charmed de venir les rencontrer, et nous voulions qu'elle se suffise à elle-même, ce qui est un équilibre délicat, et c'est une discussion en constante évolution.

The Hollywood Reporter : Charmed rejoint Sabrina the Teenage Witch et Buffy the Vampire Slayer dans la catégorie des séries télévisées des années 90 centrées sur les femmes et qui font l'objet d'un nouveau départ. Pourquoi pensez-vous que les séries sur les femmes des années 90 ont le vent en poupe en ce moment ?

- Jennie Snyder Urman : Probablement parce que ce sont des séries que nous avons tous aimées dans nos années de formation.

- Amy Rardin : C'est un bon point, qu'elles aient été si efficaces.

- Jessica O'Toole : Je pense qu'elles ont permis de comprendre des choses.

- Jennie Snyder Urman : Et elles étaient une source d'inspiration pour ceux d'entre nous qui ont grandi en les regardant, qui ressentent une connexion automatique avec cela. Et je pense aussi qu'il y a une faim dans ce monde en ce moment pour les femmes fortes, pour en voir de plus en plus. Et puis [il y a] un peu de fantasme sur ces femmes qui ont tout le pouvoir, surtout en ce moment. Parce que nous vivons un moment horrible dans notre paysage politique et dans l'histoire de notre pays, tout est tellement horrible, qu'il y a aussi un élément de réalisation de souhaits. Comme si on voulait changer les choses.

The Hollywood Reporter : Quelle est votre relation personnelle avec Charmed ?

- Jennie Snyder Urman : Pour moi, c'est la réalisation des souhaits de pouvoirs magiques et la possibilité de changer les choses. Par exemple, si je pouvais arrêter le temps et réfléchir une seconde avant de dire quelque chose, c'est souvent ce que je souhaite. J'ai toujours eu des amies très proches, et j'ai toujours voulu avoir des sœurs mais je ne les ai pas eues, donc pour moi cette relation est tout ce que j'aime dans la série.

- Jessica O'Toole : Je suis d'accord avec cela ; je pense aussi que l'idée d'être aussi intrépide face à des choses comme l'apocalypse en plus d'une apocalypse émotionnelle [m'a frappé]. L'idée que les sœurs puissent être là les unes pour les autres afin d'affronter ces choses sans crainte, c'est quelque chose dont nous avons tous besoin en ce moment. Et ce n'est pas toujours facile pour moi d'être comme ça, donc c'est quelque chose que j'aime explorer dans la série et auquel je pense.

- Amy Rardin : Pour moi, je pense que ce serait l'autonomisation. J'adore voir ces trois femmes fortes se battre chaque semaine, parler de ces femmes et travailler avec des femmes fortes. C'est merveilleux et très enrichissant dans ce climat d'être soutenue par Jennie, de travailler avec Jessica tous les jours et d'avoir ce pouvoir dans notre vie professionnelle.